Vingt-cinq millions de personnes ont lu, depuis sa parution en 2003, le très controversé livre de Dan Brown, "Da Vinci Code".
Par simple curiosité, et non pour faire comme les moutons de Panurge,
nous avons décidé de lire ce bouquin, dont l’adaptation
cinématographique a été réalisée par l’Américain Ron Howard.
"Da Vinci Code" est un livre qui ne laisse pas indifférent le lecteur…
Jacques Saunière, conservateur du musée du Louvre, à Paris, est
assassiné sur son lieu de travail. L’inspecteur Bezu Fache, sur place
pour mener l’enquête, a un coupable idéal. Il s’agit de Robert Langdon,
symbiologiste (spécialiste des symboles) religieux qui avait
rendez-vous, le soir même, avec le conservateur.
Bezu Fache croit dur comme fer que Langdon est le coupable de cet assassinat mais aussi de trois autres.
Langdon, embarqué dans une histoire qu’il ne comprend pas, est "sauvé"
par Sophie Neveu, cryptologue, travaillant pour la police judiciaire
française. Tous deux s’enfuient du Louvre, non sans avoir relevé les
indices laissés par la victime, qui n’est autre que le grand-père de la
jeune femme. Les indications les emmènent sur la trace du Graal. Mais,
ils ne sont pas les seuls : l’Opus Dei, sous les ordres du "Maître",
est, également, à la poursuite de ce trésor inestimable.
Dans leur quête, Langdon et Neveu rencontreront d’étranges personnages
: Silas, moine albinos dévoué à l’Opus Dei, André Vernet, directeur de
la banque de Zurich à Paris, Sir Leigh Teabing, historien anglais, et
Rémy Legaludec, domestique de ce dernier. Des personnages où faux amis
et vrais ennemis se mélangent.
Nous n’en dirons pas plus sur l’histoire, car ce serait gâcher le plaisir des amateurs de mystères.
Clés et allusions
"Da Vinci Code", ou "Le code De Vinci" dans sa première édition
française, est un livre facile et qui se lit vite, malgré les 741 pages
dans l’édition que nous avons compulsée, à savoir celle de "Pocket".
Cette facilité d’une lecture accessible à tous est due en partie à la
longueur des chapitres, qui sont assez courts.
Ce roman est une sorte de jeu de piste dans lequel le lecteur, au même
titre que Robert Langdon et Sophie Neveu, est confronté à des clés et à
des allusions d’ordre religieux et ésotérique. Car plus que l’histoire
de course-poursuite "à l’américaine", le roman est truffé de symboles
et de symbolisme.
En fait, la force de "Da Vinci Code" se trouve dans les détails
réellement passionnants pour toute personne s’intéressant aux mystères
encore non élucidés, comme celui du Graal. Ce dernier serait, selon la
tradition, une coupe dans laquelle le Christ aurait bu pour la dernière
fois avec ses apôtres. Le Graal est symbole de quête et
d’inaccessibilité, personne ne l’a jamais vu mais beaucoup de personnes
le cherchent car il pourrait leur apporter le pouvoir.
Il est clair que quelqu’un qui n’est pas versé ou très peu dans la
religion catholique pourrait lire le livre comme une simple fiction.
Cependant, il ne pourrait rester insensible à certains détails pouvant
susciter chez lui une réflexion.
Toujours est-il que, d’un autre côté, il faut prendre avec des
pincettes certaines données émises par Dan Brown, et qui ne sont pas
vérifiables jusqu’à présent. L’auteur mélange subtilement fiction et
réalité ; une confusion voulue, certainement, pour se défendre de toute
accusation.
De Vinci et Fibonacci
D’entrée de jeu, l’auteur nous entraîne au Louvre où est réellement
exposée "La Joconde", le célèbre tableau de Léonard de Vinci. Ce
peintre, sculpteur, architecte et inventeur italien, né en 1452 et
décédé en 1519, est considéré comme un véritable génie qui aurait
laissé nombre de symboles dans ses différents tableaux. D’ailleurs, le
sourire de "La Joconde" a fait couler tellement d’encre qu’il garde
encore son secret.
Tout au long du roman, il est fait référence à De Vinci et à ses
œuvres, notamment à trois : "La Joconde", "La Vierge aux rochers" et
"La Cène". Dans cette dernière toile, représentant l’ultime repas de
Jésus-Christ avec ses apôtres, Dan Brown, par le biais d’un de ses
personnages, en l’occurrence Sir Leigh Teabing, soulève la thèse que
parmi les douze convives, il y aurait une femme : Marie-Madeleine, la
prostituée repentie, surnommée Apôtre des Apôtres, qui suivait Jésus
comme ses disciples. Pour l’historien anglais, le personnage à la
droite du Christ n’est autre que Marie-Madeleine en lieu et place de
Jean, qui serait absent de la scène. Cette supposition n’a pas plu à
l’Eglise, qui y a vu un blasphème.
Nous avons cherché la reproduction de cette peinture sur internet. Il
est vrai que le personnage, mis en avant dans le roman, a plus des
traits féminins que masculins…
Egalement au début de "Da Vinci Code", une référence est faite à la
suite de Fibonacci. Cette énumération de nombres est célèbre surtout
dans les tests de QI (quotient intellectuel). Dans ceux-ci, la personne
qui fait le test se trouve face à cette question : "Complétez cette
suite de nombre : 1-1-2-3-5-8…". La plupart des personnes passant les
tests, sauf les matheux, ne connaissent pas cette suite qui veut que
pour calculer un terme, il faut faire la somme des deux termes
précédents. Voilà une petite leçon de mathématiques offerte par le "Da
Vinci Code".
Religion et femmes
Dans le roman, la religion catholique est mise à l’index, et notamment
l’Opus Dei. Cette institution dans le "Da Vinci Code" est présentée
comme si elle était une secte où les membres s’autoflagellent pour se
punir de mauvais actes ou pensées. Dan Brown, dans ses remerciements en
fin de livre, a déclaré : "Pour leur généreuse assistance dans mes
recherches, je voudrais aussi remercier (…) les cinq membres de l’Opus
Dei (trois actuels et deux anciens) qui m’ont fait part d’anecdotes,
positives et négatives, illustrant leurs expériences au sein de cette
organisation." Or, l’Opus Dei est "une institution qui a été faite
prélature personnelle par le pape Jean-Paul II en 1982 et dont il
canonisa le fondateur en 2002. Son goût du secret lui a valu une
réputation de lobbying auprès des instances politiques et
d'infiltration au sein d'autres organes de l'Église". Cette institution
se veut traditionnelle et rigoriste, à la limite du fanatisme, selon le
"Da Vinci Code". Dans la réalité, "le goût du secret de l'Opus Dei fait
que les informations à son sujet sont extrêmement fragmentaires" et par
conséquent l’imagination de certains va bon train, alimentée par des
révélations d’anciens membres.
Le Vatican a condamné le livre seulement en mars 2005. Il faut dire que
la thèse avancée par l’auteur a de quoi faire trembler les bases du
Saint-Siège : Jésus aurait été marié et père. Ce qui signifierait qu’il
aurait une descendance. Il est vrai que pour un musulman ou un juif le
scandale n’en est pas un mais pour un chrétien si, car Jésus, pour
celui-ci, était "pur" de toute relation intime.
Ce qui gêne également le Vatican, c’est la position de la femme que lui
donne l’auteur. Pour ce dernier, la femme est le début et le centre de
tout. Dans toutes les religions monothéistes, la femme est inférieure à
l’homme, sauf peut-être dans la religion hébraïque, où l’enfant a la
croyance de la mère pas celle du père.
Dans le "Da Vinci Code", la femme, la féminité, la déesse, en fait tout le symbolisme de la femme a son importance.
Prieuré de Sion
Cependant, le roman est paradoxal. Dan Brown montre l’importance du
Prieuré de Sion pour la protection de la descendance de Jésus-Christ ;
descendance qui se fait par les femmes. Le Prieuré de Sion aurait
toujours vénéré le féminin sacré. Or, dans la liste que l’auteur a
émise dans le roman, on ne trouve que quatre femmes qui auraient été
"Grand Maître" (! ?). A propos du Prieuré de Sion, est-ce une invention
de l’auteur ou l’ordre existe-t-il réellement ? Voilà ce que nous avons
trouvé sur le sujet : "le Prieuré de Sion a une existence "officielle",
la réalité est bien moins mystérieuse et ésotérique : il ne s'agit que
d'une banale association (type loi de 1901) fondée le 7 mai 1956 par
Pierre Plantard et dont les statuts sont déposés à la sous-préfecture
de Saint-Julien-en-Genevois en Haute-Savoie. Plantard a avoué devant la
justice française en 1992 avoir créé de toutes pièces cette société
secrète, qui était censée le mettre sur le trône de France en tant que
descendant des Mérovingiens et de Jésus-Christ. Mais malgré l’aveu de
supercherie, de nombreux auteurs anglo-saxons ont rajouté à ce mythe
moderne, créant un enchevêtrement sans fin de théories et
contre-théories".
Dan Brown n’est pas le seul à avoir soulevé cette polémique. Il se
serait inspiré d’un livre "écrit par trois Britanniques Michael
Baigent, Richard Leigh et Henry Lincoln en 1982" et intitulé de
"L'Énigme sacrée". D’ailleurs étrangement, un des personnages de "Da
Vinci Code" s’appelle Sir… Leigh Teabing.
D’ailleurs, le nom de famille du conservateur du musée du Louvre, à
savoir Saunière, n’est pas inconnu dans le monde des mystères puisqu’il
est associé à celui des Templiers. L’abbé Saunière est le religieux à
l'origine de l'affaire du trésor des Templiers de Rennes-le-Château…
Avec tous ces éléments, on comprend pourquoi "Da Vinci Code" a eu tant de succès. Quant à nous, nous attendons le film.
Z.H
Tunis Hebdo : http://www.tunishebdo.com.tn/article.php?rid=5&id=22317